La mise en sens dans l’apprentissage ou comment la parole vient conditionner notre avenir.
La parole dans l’apprentissage doit être mesurée. Un petit récit pour introduire le contexte de cette affirmation nous semble nécessaire. Ce matin, un très jeune bambin vient de souffler fièrement sa première bougie. Un peu plus tard, dans le jardin, il court après les bulles de savon que sa mère lance dans le ciel. « Bing, pouf ou Patatra » et le voilà qu’il trébuche au sol. La chute n’est pas très violente. Mais, encore à plat ventre sur l’herbe, il dessine sur son visage une première grimace. Puis, il marque un temps d’arrêt et regarde sa mère.
Si vous connaissez cette histoire, vous devez savoir aussi la suite. Communément, nous rencontrons deux suites possibles.
Significations.
- La mère lui sourit. L’enfant se relève. Rapidement son visage enjoué réapparaît prêt pour partir à la recherche des prochaines bulles.
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Ou bien, cette dernière, affolée, se précipite sur l’enfant. Ce dernier se met à pleurer. Et, il lui faudra un peu plus de temps pour décider de repartir à l’aventure.
Mais, quels points communs peut-on trouver dans ces deux épilogues?
La parole dans l’apprentissage.
Dans un premier temps, nous pourrions faire l’hypothèse que la mère signifie par son regard le sens que l’enfant doit donner à sa chute. Ici, l’enfant, surpris et envahit d’un peu de frustration, cherche réconfort et opinion de son entourage. Ainsi, selon l’expression du visage de la mère, l’enfant confirmera ou non sa première impression. Freud aurait pu dire ici que la mère prête son appareil à penser. Et, un autre auteur, Bandura, quant à lui, précisera que la mère éduque son enfant sous la forme d’un apprentissage vicariant.
Douleur physique ou psychologique?
Mais, avant de continuer notre propos, nous posons le postulat suivant. Ce n’est pas tant la douleur physique qui anime notre chérubin mais bien plutôt une autre douleur comme l’échec. Ou bien, peut-on dire sous le terme frustration que l’enfant constate amèrement la limitation de sa liberté. Ainsi, dans la première suite proposée, la mère pourrait transmettre dans son regard apaisant le message suivant : « Je suis là, ce n’est pas grave, je connais ce sentiment, j’y suis passé par là aussi et les chutes sont inéluctables encore quelques temps car tu es encore très petit pour t’en aller plus loin et plus vite». Aussi, je vous laisse aisément trouver le deuxième message implicite de la mère transmet dans la deuxième suite proposée.
L’entourage initiateur de notre conditionnement.
Si nous résumons, cette petite histoire pourrait nous expliquer un peu mieux pourquoi nous ne réagissons pas tous de la même façon devant les mêmes sensations. Ici, nous concevons l’importance de l’entourage comme initiateur de notre conditionnement.
Et si l’enfant pleure?
J’avais oublié ! Nous n’avons pas abordé les pleurs. Si l’enfant s’était mis à pleurer dans le premier cas, qu’aurait fait ou dit notre mère apaisante : « Chut, ne pleure pas, ce n’est rien »?
Il semblerait que cette attitude ne soit pas la plus judicieuse. Pourquoi ? Comprenons que notre cher bambin souffre tant psychologiquement que physiquement. Aussi, le fait de lui dire « ce n’est rien » c’est un peu comme lui dire : « tu ressens des choses dans ton corps mais fait comme si ça n’existait pas ». Alors, nous pouvons envisager qu’il sera difficile, par la suite, de prendre connaissance du monde pour cet enfant si cette manière de lui parler venait à se répéter.
Conclusion.
Ainsi, les sensations sont le premier témoin et repère de l’être humain ? Comment va-t-il se construire s’il ne peut dire : « je », « je n’aime pas ça », « ceci me fait du bien, ceci me fait du mal », « je t’aime parce que tu me donnes ci ou ça ». Pour le dire autrement, essayer de dire à votre interlocuteur qui vous êtes, de vous décrire, sans faire référence aux ressentis.
Stéphane ROUSSET